Bonjour,
En matière de harcèlement moral, en France, les employeurs ont une obligation de sécurité.
Autrement dit, ils doivent mettre en place les moyens nécessaires pour qu’aucun salarié ne soit victime de faits de harcèlement (que ce soit de la part d’un supérieur, collègue, etc.).
Quand un salarié accusé un autre salarié de harcèlement, la direction, doit donc impérativement agir.
Toutefois, avant de sanctionner un salarié pour harcèlement, l’employeur doit bien évidemment vérifier que ce dernier a effectivement commis des faits de harcèlement.
Un employeur ne peut en effet pas sanctionner sans preuve sur la base seulement de rumeurs, de bruits de couloirs …
Une salariée était accusée par des délégués du personnel d’avoir commis différents actes de harcèlement à l’encontre de différents salariés et d’une stagiaire. (Les faits reprochés étaient très variés).
L’employeur, avant de prendre une décision, a décidé (comme c’est son droit) de mener une enquête.
(En effet avant de prononcer une sanction l’employeur peut mener une enquête)
Il n’a pas mené l’enquête seul.
Il a en effet fait appel aux services d’une entreprise externe spécialisée dans les risques psychosociaux dont le harcèlement au travail.
Suite à cette enquête accablante, la salariée auteur des multiples faits de harcèlement a été licenciée pour faute grave. (La faute grave prive le salarié licencié de l’indemnité légale de licenciement et de l’indemnité compensatrice de préavis. Par contre il conserve l’indemnité compensatrice de congés payés et le droit de toucher les allocations pôle emploi).
Chose surprenante, la salariée a décidé de contester son licenciement. (En France tout salarié peut dans le délai maximum d’une année saisir le conseil de prud’hommes pour contester le bien-fondé de son licenciement).
Elle a contesté son licenciement. Elle a fait cette action car elle estimait ne pas pouvoir être licenciée sur la base d’une enquête menée par un cabinet externe qui ne l’avait pas informée préalablement de la réalisation de cette enquête.
Elle expliquait que ce type de procédé consistait en une preuve déloyale.
La chambre sociale de la Cour de cassation (la plus haute juridiction en France), dans un arrêt rendu le 17 mars 2021 (N° de pourvoi 18-25597), a débouté la salariée harcelante de ses demandes.
Elle explique que l’enquête menée par un cabinet extérieur sans information préalable de la salariée concernée n’est pas une preuve déloyale.
Autrement dit pour lutter contre le harcèlement l’employeur a la possibilité d’avoir recours à des sociétés extérieures.
Juliette CLERBOUT
Avocat au Barreau de Saint-Omer
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Cynthia Mcavoy says
En effet, dans sa solution du 17 mars 2021 (n° de pourvoi 18-25.597), la chambre sociale de la Cour de cassation retient que le mode de preuve consistant en une enquête effectuée par une cellule psychologique externe à l’entreprise ne fait pas obstacle au principe de loyauté dès lorsqu’elle a pour objectif d’auditionner les salariés victimes de harcèlement moral et que cette dénonciation peut venir appuyer un licenciement pour faute grave, mettant fin au comportement de la salariée fautive.
Mais Attention ! L’enquête étant mise en place par une cellule externe à l’entreprise, l’employeur devra veiller à ce qu’une telle action ne soit pas caractérisée comme preuve déloyale issue d’un procédé clandestin de surveillance de l’activité du salarié. En d’autres termes, l’immixtion d’enquêteurs externes doit être proportionnée au but recherché et justifiée.
Au contraire, l’employeur est toujours fondé à mettre en place une enquête interne préalablement à l’engagement d’une procédure disciplinaire, dès lors qu’il a été informé de faits potentiellement fautifs de harcèlement moral. C’est ce que suggère la Cour d’appel de Metz – ch. sociale sect. 01 (n° de pourvoi 21/00350) dans son arrêt du 20 avril 2021 lorsqu’elle dispose que « rien ne permet de remettre en cause l’existence d’une enquête interne ayant permis de recueillir les témoignages des salariés ». Cette enquête interne avait eu pour objectif de rassembler des attestations de salariés pour témoigner du comportement inacceptable de l’un d’eux.
D’ailleurs, très peu de temps suivant cet arrêt, la Cour d’appel de Bordeaux – ch. sociale sect. B (n° de pourvoi 18/06120) a retenu au 29 avril 2021 que non seulement un employeur est fondé à mettre en place une enquête interne sur le fonctionnement de l’établissement mais surtout qu’il y est tenu. En effet, l’absence d’enquête interne, suite à l’allégation d’un harcèlement moral, constitue une violation par l’employeur de son obligation de prévention des risques professionnels. En l’espèce, des allégations de harcèlement devaient nécessairement avoir alerté le dirigeant. Ce dernier ne pouvait pas prétendre ignorer la situation alors que les départs de nombreux membres du personnel étaient liés au comportement de la directrice.
Il ne suffit pas non plus pour l’employeur de simplement diligenter une enquête interne. Celui-ci doit la faire réaliser dans les plus brefs délais afin que son intervention ait un réel intérêt. La Cour d’appel de Douai – ch. Sociale dans un arrêt en date du 28 mai 2021 (n° de pourvoi 1678/21) a retenu que le fait de ne pas diligenter d’enquête interne ou de la diligenter tardivement constitue un manquement grave de l’employeur à ses obligations, pouvant justifier la rupture du contrat de travail à ses torts exclusifs.
Le manquement à cette obligation de l’employeur peut engendrer d’importantes sommes de dommages-intérêts. Encore récemment dans un arrêt du 23 juin 2021, la Cour d’appel de Montpellier – ch. sociale 02 (n° de pourvoi 18/00774) a condamné un employeur à payer 5 000€ à sa salariée, à titre de dommages et intérêts pour manquement à son obligation de sécurité. Dans les faits il n’avait pas opéré d’enquête interne malgré que la salariée, qui se considérait victime de harcèlement moral, l’avait tenu informé.