Bonjour, vous le savez surement de plus en plus de femmes arrivent à être enceintes grâce à la procréation médicalement assistée (fécondation in vitro, insémination artificielle …).
Les procédures de procréation médicalement assistée (et notamment les fécondations in vitro) sont assez lourdes. La femme doit pendant plusieurs semaines faire de nombreux examens médicaux (prise de sang, échographie, ponction ovarienne, transfert d’embryons …).
Ces examens réalisés à des moments précis ne peuvent pas tous être effectués en dehors du temps de travail de la salariée.
La loi, dans l’objectif de protéger ces femmes, a crée une autorisation d’absence spécifique.
En effet l’article L1225-16 du Code du travail dispose que « la salariée bénéficiant d’une assistance médicale à la procréation (…) bénéficie d’une autorisation d’absence pour les actes médicaux nécessaires. »
Dans cet article le législateur a précisé que « ces absences n’entraînent aucune diminution de la rémunération et sont assimilées à une période de travail effectif pour la détermination de la durée des congés payés ainsi que pour les droits légaux ou conventionnels acquis par la salariée au titre de son ancienneté dans l’entreprise. »
Le conjoint (ou le partenaire lié par un PACS ou le concubin) de la personne suivant cette procédure n’a pas été oublié par le législateur.
En effet l’article L1225-16 du Code du travail indique que « le conjoint salarié de la femme enceinte ou bénéficiant d’une assistance médicale à la procréation ou la personne salariée liée à elle par un pacte civil de solidarité ou vivant maritalement avec elle bénéficie également d’une autorisation d’absence pour se rendre à trois de ces examens médicaux obligatoires ou de ces actes médicaux nécessaires pour chaque protocole du parcours d’assistance médicale au maximum. »
Autrement dit le conjoint (ou le partenaire ou le concubin) est légalement autorisé à s’absenter le jour du recueil des gamètes, ainsi que le jour du transfert de l’éventuel embryon obtenu.
Malheureusement certaines femmes suivant un protocole d’assistance médicale à la procréation sont victimes de discrimination professionnelle.
En droit du travail, la discrimination est le traitement inégal et défavorable appliqué à certaines personnes. (Il existe par exemple des discriminations en raison de leur origine, de leur nom, de leur sexe, de leur apparence physique ou de leur appartenance à un mouvement philosophique, syndical ou politique.)
Le législateur a souhaité prendre en compte cette réalité.
Par une loi en date du 26 janvier 2016 (insérée au sein de l’article L1225-3-1 du Code du travail) le législateur a prévu que les articles L. 1225-1, L. 1225-2 et L. 1225-3 sont applicables aux salariées bénéficiant d’une assistance médicale à la procréation conformément à l’ article L. 2141-2 du code de la santé publique .
Ces trois articles expliquent notamment que :
– L’employeur ne doit pas prendre en considération l’état de grossesse d’une femme pour refuser de l’embaucher, pour rompre son contrat de travail au cours d’une période d’essai ou pour prononcer une mutation d’emploi (la possibilité de mutation d’emploi connait toutefois quelques exceptions).
– La femme qui candidate à un emploi ou qui est salariée n’est pas obligée de révéler son état de grossesse, sauf quand elle sollicite le bénéfice des dispositions légales relatives à la protection de la femme enceinte.
Pour aider toutes les personnes discriminées au travail (et pas seulement les personnes enceintes ou en procédure de procréation médicalement assisté) le législateur a crée un dispositif probatoire particulier.
Normalement c’est le demandeur au procès qui doit prouver les faits qu’il invoque. Autrement dit ça serait à la salariée discriminée de prouver qu’elle a été victime de discrimination.
Pour faciliter la reconnaissance de la discrimination le législateur a crée un système de charge de la preuve partagé (système d’ailleurs similaire à celui applicable en matière de harcèlement professionnel autrement dit en matière de harcèlement moral au travail).
L’article L1134-1 du Code du travail explique que quand survient un litige en raison d’une méconnaissance des dispositions sur la discrimination le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte.
Au vu des éléments présentés par le salarié il incombe à l’employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
Le juge pour trancher le différend (c’est-à-dire le litige qui lui est soumis) peut ordonner toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Cette importante règle relative à la charge de la preuve a notamment été rappelée par la chambre sociale Cour de cassation dans un arrêt du 28 septembre 2004. La Haute juridiction a estimé que « si le salarié doit soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération, il incombe à l’employeur de rapporter la preuve d’éléments objectifs justifiant cette différence » (n° de pourvoi 03-41.825)
En matière de procréation médicalement assistée (et plus précisément de fécondation in vitro) il est intéressant d’étudier l’arrêt (c’est-à-dire la décision) rendue le 28 juin 2018 par la chambre sociale de la Cour de cassation. (n° de pourvoi 16-28.511)
Dans cet arrêt une femme a été engagée le 15 mai 2007 en qualité de coiffeuse.
Le 7 août 2012, l’employeur lui a proposé une modification du contrat de travail de 35 à 30 heures hebdomadaires refusée par la salariée. En janvier 2013, la salariée a saisi la juridiction prud’homale d’une demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail.
En France tout salarié peut demander au conseil de prud’hommes la résiliation judiciaire de son contrat de travail, s’il estime que les manquements reprochés à l’employeur le justifient. La discrimination est un manquement suffisamment grave permettant d’obtenir la résiliation judiciaire de votre contrat de travail.
Si la résiliation judiciaire est prononcée, elle produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse (ou d’un licenciement nul).
Dans ce cas, l’employeur doit verser au salarié les indemnités suivantes :
– indemnité de licenciement
– indemnités compensatrices de congés payés et de préavis,
Il est précisé que par un arrêt en date du 28 avril 2011, la Cour de cassation a expressément jugé que dès lors que la résiliation judiciaire du contrat de travail est prononcée aux torts de l’employeur, l’indemnité de préavis est toujours due. (n° de pourvoi 09-40708)
Le montant de l’indemnité compensatrice de préavis dépend notamment des dispositions de votre convention collective.
– dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ou licenciement nul
Dans ce dossier la Cour d’appel de Rennes a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de la coiffeuse et a donc condamné l’employeur à verser à son ancienne salariée différentes sommes d’argent.
Suite à cette décision l’employeur a formé un pourvoi en cassation devant la Cour de cassation. La Haute juridiction a validé la position de la Cour d’appel.
La Cour de cassation relève que la proposition de modification du contrat de travail intervenait après deux arrêts de quinze jours chacun prescrits dans le cadre de tentatives de fécondation in vitro (FIV) et après que la coiffeuse eut annoncé qu’elle serait de nouveau en arrêt pour les mêmes raisons quelques mois plus tard. Les Juges expliquent qu’ eu égard à la chronologie de ces éléments, pris dans leur ensemble, on peut supposer l’existence d’une discrimination.
Juliette Clerbout
Avocat au barreau de Saint-Omer
Attention depuis mai 2017 le cabinet d’avocat n’est plus situé à Saint-Omer mais à Arques (62510), 10 C rue Jules Guesde
Sources principales:
Code du travail: https://www.legifrance.gouv.fr/rechCodeArticle.do?reprise=true&page=1
Laëtitia says
Bonjour,
Cet article de loi ne précise pas si les interventions (et temps de trajet) réalisés à l’étranger dans le cadre d’une PMA sont concernés également.
Pourriez-vous m’éclairer ?
Coralie says
Bonjour,
Je vous remercie pour ce post et ces informations.
Je souhaite vous poser une question. J’ai fait une PMA à l’étranger avec ma femme, nous sommes mariées. L’entreprise de ma conjointe a autorisé son absence pour le jour de l’insémination, cependant ils affirment que le texte de loi n’est pas clair vis à vis de la rémunération pour les conjoints et donc qu’il s’agit d’une absence non rémunérée. Qu’en pensez-vous? Je vous remercie vivement par avance! Bien cordialement, Coralie
Sharivari says
Bonjour,
Je suis fonctionnaire dans la fonction publique hospitalière et ma DRH refuse de prendre en compte mes temps de trajet aller-retour pour mes rdv médicaux de PMA.
Il me semble pourtant que la circulaire du 24 mars 2017 demande à accorder les même droits que pour les salariés du privé.
Par ailleurs j’ai appris tardivement ces droits, et j’ai donc demandé par la suite s’il était possible de récupérer mes heures supplémentaires posés les mois précédents en justifiant de mes rendez-vous médicaux, et la DRH refuse de me les accorder.
Je vous remercie d’avance pour vos réponses. Le parcours PMA est éprouvant et il n’est pas évident de le conjuguer avec le travail, et de devoir se battre pour ses droits.
Cordialement.