Chers lecteurs,
Suite à la publication de mes premiers articles beaucoup de victimes de faits de harcèlement m’ont contacté. Parmi les personnes qui m’ont contacté il y a Madame Catherine COUTEAU, victime de harcèlement moral et auteur du livre « trois ans et trois mois » dans lequel elle y raconte ce qu’elle a subi au travail et comment elle s’en est (bien) sortie.
Madame COUTEAU, pour aider les personnes harcelées, a avec beaucoup de bienveillance accepté de répondre à quelques questions. Qu’elle en soit vivement remerciée.
1/ Quels sont les faits de harcèlement que vous avez subis au travail ?
J’avais le poste de Responsable du service actions sociales.
J’avais sous ma responsabilité, treize salariés (travailleurs sociaux) s’occupant d’accompagnement social lié au logement.
Les faits de harcèlement étaient extrêmement nombreux:
Par exemple mon ancien employeur avait affiché, le 9 juin 2011, dans le couloir du premier étage, un compte-rendu de réunion de Délégués du personnel, me mettant nommément en cause au motif de « souffrance au travail ».
Mon ex-employeur, ensuite, m’avait fait travailler inutilement à des modifications de plans de charges …
L’employeur m’a ensuite convoqué tardivement, le vendredi 24/06/2011 à 16h30 à un entretien préalable à une sanction disciplinaire en date du mercredi 29/06/2011.
Le court laps de temps séparant les deux dates ne m’a pas permis de me faire assister.
Contre toute attente, j’ai fait l’objet d’un avertissement (totalement injustifié) en date du 01/07/2011.
L’employeur s’est autorisé à mentionner, dans le procès-verbal de réunion du comité d’entreprise la sanction injustifiée qui m’a été notifiée, et s’est cru, au surplus, autorisé à afficher ce procès-verbal, de nature à me discréditer.
L’employeur s’est encore cru autorisé à afficher le procès-verbal de réunion de CE du 21/06/2011 faisant état de mon arrêt de travail et de la procédure de référé en cours devant le conseil de prud’hommes.
Ensuite, je suis restée treize mois sans salaire en cumulé alors même que je vivais seule avec deux enfants étudiants.
Mon employeur n’a transmis aucun document à la CPAM, ni à la Mutuelle. Je n’avais par conséquent aucun relai possible pour le paiement de mes salaires.
2/ Quel impact le harcèlement a-t-il produit sur votre vie, sur votre santé, sur votre moral ?
J’ai beaucoup maigri. Je ne voulais plus sortir de chez moi. Je n’avais plus envie d’entamer quoi que ce soit, même juste une balade avec des amis. J’avais des insomnies. J’avais l’impression que mon cerveau n’enregistrait plus aucune information.
Je travaillais depuis plus de 30 ans et là plus rien. Je refusais toute invitation par peur de devoir répondre à l’éternelle question « Que fais-tu dans la vie ? ».
J’essayais de gérer au mieux ma souffrance psychique mais je voyais la souffrance de mes enfants et de mes proches, mais je savais pertinemment que même quand j’essayais de les rassurer, ça ne fonctionnait pas.
Tous les repères, que j’avais construits dans ma vie, se sont écroulés.
Et encore, au vu des témoignages et des échanges que j’ai eus après la sortie de mon livre, je sais que j’ai réussi à me protéger assez rapidement, afin d’éviter plus de grabuges physiques ou mentaux. (J’y reviendrai d’ailleurs dans la question 5).
3/ Quelles procédures judiciaires avez-vous menées face à vos harceleurs ?
Après un passage devant le Conseil de prud’hommes de Dunkerque je me suis retrouvée en appel devant la chambre sociale de la Cour d’Appel de Douai.
Là j’ai obtenu satisfaction: harcèlement moral reconnu par la justice, annulation de mon avertissement, licenciement déclaré nul. Mon ex-employeur a été financièrement lourdement condamné.
En parallèle, nous avons déposé une plainte pénale auprès de Monsieur le Procureur de la république.
4/ Que pensez-vous d’un site comme le mien qui donne des conseils aux victimes de harcèlement au travail ?
Je le trouve parfait.
Ça permet aux victimes de se renseigner, de prendre connaissance d’articles juridiques. Ça permet également de savoir qu’on n’est pas seuls.
Il a toute son utilité pour que les « victimes » puissent se repérer et «diagnostiquer ce qu’elles subissent».
Votre site offre également un lieu d’échanges qui est primordial pour sortir de cette situation de repli.
5/ Quels sont vos principaux conseils pour les victimes de harcèlement (que ce dernier soit moral ou sexuel) ?
Je ne me permettrai pas de donner des conseils à des victimes de harcèlement sexuel.
Même si je pense que le processus de destruction reste semblable.
Alors comme conseils, en priorité, accepter que l’on souffre. Entamer un processus d’aide avec un Psy (même si dans mon cas, ce n’était pas simple, connaissant et travaillant depuis des années en partenariat avec eux, j’ai donc du rechercher un Psy que je ne connaissais pas).
Prendre attache avec un Avocat avec qui ça se passe bien. Je n’attendais pas de mon Avocat qu’il s’apitoie sur mon sort ! Mais il a été mon repère, pour me guider dans les procédures, pour me rebooster quand cela était nécessaire.
Chère Maître CLERBOUT, vous parlez d’humanité ! Oui c’est effectivement essentiel dans ce « duo », pas au même niveau bien sur, que nous allons former tout au long de ce combat.
Ne pas s’enfermer ! Même si ce n’est pas simple !
Accepter de devenir plus sensible, de ne plus avoir le même mode de vie, de pleurer sans aucune raison ! Tout ça me paraît aujourd’hui normal !
Pour en revenir à la question 2, savoir se protéger à temps ! Ne pas essayer de tenir à tout prix dans un milieu « harceleur » et se mettre en péril physiquement et psychiquement !
Et là, pour conclure, j’en reviens à la question 4. Savoir que nous ne sommes pas seuls ! Alors ne pas hésiter à en parler, à partager ! Même si je sais, l’ayant vécu moi-même, que ce n’est pas si simple. On se dévalorise nous-mêmes ! Et c’est justement là, où on rentre dans ce que souhaite le harceleur !
Je remercie sincèrement Madame COUTEAU pour le temps pris à répondre à ces quelques questions. Je suis persuadée que son témoignage aidera de nombreuses victimes de harcèlement.
A mon sens si vous ne deviez retenir qu’une chose de cette interview c’est le bout de phrase suivant : « savoir se protéger à temps ». Il ne faut en effet pas attendre que les choses deviennent insupportables, insurmontables pour s’informer de ses droits et des différents moyens d’actions. En effet malheureusement les harceleurs ne changement pas.
Pour plus d’informations concernant le harcèlement au travail n’hésitez d’ailleurs pas à consulter mes précédents articles publiés sur ce site internet sur ce thème.
Vous pouvez par exemple consulter l’article suivant: http://julietteclerboutavocat.fr/harcelement-moral-au-travail-vs-harcelement-sexuel-physique-la-principale-difference-pour-le-prouver/
Je vous invite également à vous inscrire, dans la rubrique « mes conseils gratuits » à ma newsletter dans laquelle je donne notamment de nombreux conseils en droit du travail. Voici le lien direct: http://julietteclerboutavocat.fr/mes-conseils-gratuits/
Enfin j’ai le plaisir de vous annoncer que, suite à plusieurs sollicitations, je vais prochainement publier dans la rubrique « documents à télécharger » un guide juridique très complet sur le thème du harcèlement. Bien évidement j’annoncerai, dans ma newsletter, la sortie de ce livre numérique.
Juliette Clerbout, barreau de St-Omer
PS: pour soutenir ce combat contre le harcèlement au travail je vous invite à partager cet article sur Facebook en cliquant sur le F de couleur bleu présent juste en dessous de cet article.
Pour Aller Plus Loin : Passez à l’action !
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