Les licenciements disciplinaires doivent reposer sur une faute.
Pour constituer un motif valable de licenciement la faute doit revêtir un certain degré de gravité.
Il existe trois grandes catégories de fautes justifiant un licenciement : la faute sérieuse, la faute grave et la faute lourde.
Qu’est ce qu’une faute lourde pouvant justifier un licenciement?
La faute lourde est une faute encore plus inexcusable que la faute grave.
La Cour de cassation définit la faute grave comme la faute qui résulte de tout fait ou ensemble de faits imputable au salarié constituant une violation des obligations découlant de son contrat ou de sa fonction d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise concernée même pendant la durée limitée du préavis.
Comme la faute grave, la faute lourde implique que le maintien du contrat de travail pendant la durée du préavis s’avère impossible.
La chambre sociale de la Cour de cassation, dans un arrêt en date du 9 juillet 1991, a précisé que la faute lourde est une faute d’une particulière gravité commise par un salarié « avec intention de nuire à l’employeur ou à l’entreprise » (N° de pourvoi: 89-41890)
Pour pouvoir valablement licencier un salarié pour faute grave l’employeur doit démontrer une intention de nuire.
Si l’intention de nuire n’est pas démontrée par l’employeur le licenciement n’est pas valable.
Ainsi la chambre sociale de la Cour de cassation, dans un arrêt en date du 21 juin 2006 a souligné que « sans relever l’intention du salarié de nuire à l’employeur » une Cour d’appel ne peut pas estimer qu’un licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse. (n° de pourvoi 04-43 388)
(Dans cette affaire il était question d’un salarié qui gérait son patrimoine privé en détournant les salariés de l’entreprise et qu’il versait sur le compte bancaire d’une de ses sociétés des sommes recevant à son employeur.)
Dans un autre arrêt, rendu le 29 avril 2009, cette même juridiction a rappelé que « la faute lourde suppose l’intention de nuire » du salarié. (n° de pourvoi 07-42294)
Encore récemment, dans un arrêt en date du 8 février 2017 publié au Bulletin annuel, cette juridiction a rappelé que « la faute lourde est caractérisée par l’intention de nuire à l’employeur, laquelle implique la volonté du salarié de lui porter préjudice dans la commission du fait fautif et ne résulte pas de la seule commission d’un acte préjudiciable à l’entreprise ». (N° de pourvoi: 15-21064)
Pour résumer la faute lourde est donc une faute commise volontairement et dans l’intention de nuire à l’employeur.
Quels sont les cas de faute lourde ?
La jurisprudence retient extrêmement peu souvent l’existence d’une faute lourde.
Même en cas d’infraction pénale la Cour de cassation considère qu’il n’existe pas de faute lourde si l’intention de nuire n’est pas démontrée par l’employeur.
Ainsi la chambre sociale de la Cour de cassation, dans un arrêt en date du 26 octobre 2004 a souligné que même en cas d’infraction pénale intentionnelle la faute lourde n’est pas forcément caractérisée. Pour la Haute juridiction il peut exister un délit pénal intentionnel qui ne démontre pas la volonté du salarié de nuire à son employeur. (N° de pourvoi: 02-42843)
Dans cette affaire un responsable adjoint de magasin avait dérobé des marchandises. Son employeur l’a licencié pour faute lourde. Le licenciement a été censuré par la chambre sociale de la Cour de cassation. Cette dernière relève que « si le délit de vol comporte un élément intentionnel, celui-ci n’implique pas, par lui-même, l’intention de nuire à l’employeur ».
Autre exemple, dans un arrêt rendu le 18 novembre 2003, la faute lourde n’a pas été retenue à l’encontre d’un salarié ayant profité de ses fonctions de chef comptable en utilisant des fonds de l’entreprise pour régler les frais d’un voyage touristique réalisé avec son épouse, l’intention de nuire à l’employeur ou à l’entreprise n’étant pas caractérisée (n° de pourvoi 01-44.102).
Quand la faute lourde est reconnue c’est que le salarié a commis sciemment des faits gravissimes avec la volonté délibérée de nuire à son employeur.
La faute lourde a par exemple été retenue (dans un arrêt rendu le 18 décembre 2002) à l’encontre de salariés qui ont pénétré de force dans les locaux du conseil d’administration qui ont neutralisé le système de sécurité pour ensuite retenir les membres de la direction en otage. (N° de pourvoi: 00-44259)
Cette même juridiction a dans un arrêt rendu le 26 mai 1981 retenu la faute lourde à l’égard d’un salarié condamné pénalement pour avoir frappé violemment des salariés refusant de participer à une grève.(N° de pourvoi: 79-41623)
Le salarié licencié pour faute lourde peut-il percevoir une indemnité compensatrice de congés payés ?
Avant le Code du travail prévoyait que l’indemnité compensatrice de congés payés était due par l’employeur au salarié dès lors que la rupture du contrat de travail n’a pas été provoquée par la faute lourde du salarié.
La chambre sociale de la Cour de cassation, dans un arrêt en date du 5 mai 2010 a circonscrit la portée de la règle en limitant la perte de l’indemnité compensatrice de congés payés en cas de faute lourde aux seuls congés de la période en cours au jour du licenciement (1er juin-31 mai de l’année suivante) et pas ceux de la période de référence antérieure
Il convient de préciser que la Haute juridiction notamment dans deux arrêts rendus les 5 avril 1990 et 23 octobre 1991 avait précisé que la faute lourde découverte ou commise durant le préavis de licenciement est sans incidence sur le droit à l’indemnité compensatrice de congés payés, qui reste donc acquise au salarié.
Une question prioritaire de constitutionnalité a été formulée sur la question de l’indemnité compensatrice de congés payés en cas de faute lourde.
Le 2 mars 2016 le Conseil constitutionnel a déclaré que les dispositions de l’alinéa 2 de l’ancien article L. 3141-26 étaient contraires à la Constitution au motif qu’il existe une différence injustifiée entre les salariés licenciés pour faute lourde, selon que leur employeur est ou non affilié à une caisse de congés.
En effet, cette règle de privation de l’indemnité compensatrice de congés payés, en cas de faute lourde, ne s’appliquait pas aux salariés dont l’employeur est tenu d’adhérer à une caisse de congés en application de l’ article L. 3141-32 du Code du travail.
La loi no 2016-1088 du 8 août 2016 a mis les dispositions du Code du travail en conformité avec la position du Conseil constitutionnel. L’indemnité est donc désormais due, même en cas de faute lourde.
Il est important de préciser ainsi que l’indique le commentaire publié aux Cahiers du Conseil constitutionnel que « seront exclues du bénéfice de la censure toutes les personnes licenciées pour faute lourde qui ont engagé une procédure contentieuse close définitivement avant la publication de la décision et celles licenciées pour faute lourde qui seraient à cette même date hors délai pour introduire une requête ».
Juliette Clerbout Avocat au Barreau de Saint-Omer (62 510)
Cabinet d’avocat situé à Arques (En effet depuis mai 2017 le cabinet d’avocat n’est plus situé à Saint-Omer)
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