Comme vous le savez je travaille énormément sur le thème du harcèlement moral et en particulier du harcèlement moral au travail. Pour vous aider au mieux je me document énormément sur ce sujet.
Comme ouvrage je peux par exemple vous conseiller de lire « le Cri du corps, harcèlement moral au travail, mécanismes causes et conséquences » écrit par Madame Anne-Véronique Herter et publié en mai 2018 aux éditions Michalon.
Pour aider encore plus de victimes Madame Herter (elle même ancienne victime de harcèlement moral au travail) a accepté de répondre à quelques unes de mes questions.
1/Quels sont les faits de harcèlement que vous avez subis au travail ?
Si l’on reprend la définition légale d’un harcèlement, c’est « un ensemble d’agissements répétés, qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte aux droits du salarié/de l’agent et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ». Les faits de harcèlement ne nécessitent pas d’être provoqués de façon consciente par le harceleur pour que le harcèlement soit prouvé.
Ma souffrance s’est construite sur plusieurs années, avec des injonctions contradictoires, des conditions de travail compliquées (un bureau dans un large couloir qui m’empêchait de pouvoir me concentrer sur mes dossiers dus aux passages incessants, qui m’obligeait à me cacher sous mon bureau pour entendre certains de mes appels téléphoniques), des dossiers que je ne pouvais pas traiter, des objectifs que je ne pouvais pas atteindre, la responsabilité d’un service client espagnol, alors que je n’avais pas le niveau en espagnol et que les employés ne parlaient ni français ni anglais, et 10 h de cours pour maitriser la langue à un niveau professionnel. Des reproches sur mon salaire trop élevé, des sifflements pour m’appeler ou me faire taire, et des propos humiliants sur mon corps et sur mon poids.
2/Quel impact le harcèlement a-t-il produit sur votre vie, sur votre santé, sur votre moral ?
Mon corps a pris conscience du problème avant mon mental. Le stress que je vivais et l’insécurité permanente de mal faire ont vite provoqué des pertes de sommeil, des crises d’angoisse, du bruxisme (perte de petits bouts de dents à force de serrer la mâchoire), des crises de larmes, des difficultés à respirer, une prise de poids conséquente, jusqu’à une dépression longue et profonde. Plus mon corps réagissait, plus j’essayais de le cacher, de le faire taire. Il essaye juste de me prévenir pour me sauver.
Mes proches voyaient que je n’allais pas bien et me conseillaient souvent de changer de travail, mais ils n’avaient pas conscience des dégâts qui se créaient au plus profond de moi. Je ne prenais plus de plaisir à grand-chose, je pleurais souvent chez moi, j’étais mal dans ma vie et dans mon cœur et j’ai fini par arrêter les activités sportives et sociales que j’aimais.
3/ Comment avez-vous eu l’idée d’écrire un livre pour raconter votre histoire ?
J’ai toujours exprimé mes émotions heureuses ou malheureuses à travers l’écriture. C’est une évidence. Avant « Le Cri du corps », paru aux éditions Michalon en mai dernier, j’avais écrit et publié trois romans :
• un premier en 2014 (« Zou ! » aux éditions Michalon),
• un deuxième en 2017 (« Prudence Rock » aux éditions FFD),
• un Thriller-romance interactif (uniquement numérique, « Am Stram Gram » aux éditions Readiktion).
Lorsque j’ai commencé à aller mal, j’ai posé mes émotions par écrit, comme je l’ai toujours fait. Lorsque j’ai été hospitalisée plusieurs semaines en clinique psychiatrique, en raison de ma dépression, je « croquais » le personnel médical, les autres patients, comme un dessinateur aurait crayonné son environnement. Puis je l’ai mis en forme. J’ai tout d’abord eu envie de partager mon expérience de l’enfer et la façon dont on pouvait s’en relever. En en parlant avec mon éditeur, j’ai réalisé que la meilleure façon d’expliquer mon état était de se pencher sur ses causes, en revenant à son origine : mon parcours dans cette entreprise. Je me suis donc replongée sur mon expérience, souvent avec douleur. Mais ce travail m’a été salutaire. Je voulais être vrai. Partager sans tabou les faits et les conséquences, mes erreurs et mon salut. L’idée n’était pas de s’arrêter à mon témoignage, mais de prendre le recul nécessaire, pour comprendre pourquoi j’étais devenue une victime, quelle était le mécanisme du harcèlement, les causes et les conséquences.
Je l’ai écrit comme un roman, car je suis avant tout une romancière. Il était important pour moi que le lecteur soit happé par mon histoire, qu’il puisse s’y plonger et réaliser que personne n’est à l’abri de tomber dans cet enfer. Pour compléter mon récit, j’ai demandé une contribution à des professionnels de la question (avocats, conseillers en qualité de vie au travail, psychologues) pour donner quelques éléments sur le sujet. J’ai également demandé à mon compagnon de m’offrir sa vision « d’aidant » : ce qu’il a vu venir, ce qu’il n’a pas vu venir, comment il a pu m’aider et me sauver.
Mon souhait était d’expliquer où trouver de l’aide si on est en souffrance, ou comment aider un proche qui subit une situation de harcèlement. C’est la raison pour laquelle je partage en fin de livre quelques adresses, sites, informations utiles, pour agir au niveau légal et pour la santé de chacun.
4/Quels retours avez-vous reçus à la sortie de votre livre ?
J’ai eu la chance d’avoir beaucoup de médiatisation : j’ai été invitée dans l’émission « Sept à huit » sur TF1, dans « Le magasine de la santé » sur France 5, à la radio sur Europe un, Sud Radio, RMC, aufeminin.com, j’ai eu un article dans le monde, et d’autres médias m’ont soutenue. J’ai reçu des centaines de messages de soutien, d’amitié. Puis, sont arrivés les retours de lectures. Ce fut et c’est toujours incroyable. Je reçois tous les jours des emails pour me dire qu’ils vivent la même chose, mais qu’ils n’osent pas en parler, que je les ai aidés en mettant des mots sur leur souffrance.
Une personne m’a dit qu’elle avait offert mon livre à son mari en lui disant « Voilà ce que je vis à mon travail ». J’ai pu l’aider à en parler. C’est un immense bonheur de voir que mon livre peut être utile.
Je n’imaginais pas à quel point les salariés en souffrance sont nombreux, et comme ils ont peur et honte de leur situation. Je me rends compte aujourd’hui que mon livre soulève un sujet qui reste tabou. Lorsque je dédicace en salon ou en librairie, il m’arrive fréquemment de voir des personnes qui achètent Le Cri du corps en se cachant de leur conjoint ou en vérifiant qu’ils ne connaissent personne autour d’eux, pour ne pas être repérés.
5/Que pensez-vous d’un site comme le mien qui donne des conseils aux victimes de harcèlement au travail ?
Je trouve que votre site est formidable et indispensable. Il faut absolument que les victimes de harcèlement au travail puissent comprendre qu’il y a des solutions pour s’en sortir, qu’elles ne sont pas responsables, qu’elles ne sont pas inadaptées ou en échecs, car elles sont en souffrance. Très souvent, le harcèlement place la victime dans une solitude et une sidération qui empêchent toute action pour s’en sortir. Tout le monde a besoin d’aide. Avant de vivre cet enfer, je ne savais pas qu’il existait autant d’associations de souffrance au travail, que l’on pouvait trouver de l’aide au sein même de la CPAM, de la médecine du travail, de l’inspection, qu’il y avait des unités « Souffrance au travail » dans certains hôpitaux. Pour preuve que le sujet est pris au sérieux !
En juin dernier, j’ai participé à un colloque international organisé à Bordeaux par Marie-France Hirigoyen et Loïc Lerouge, sur le thème du harcèlement moral au travail. Plus de 40 pays y étaient représentés, 400 participants. Des médecins, des chercheurs, des consultants, des juristes, des psychologues de toutes nationalités partageaient leurs avancées, leurs constats, leurs recherches… Imaginez mon émotion de pouvoir assister à ces ateliers autour d’un mal qui m’a rongée si longtemps, et dans lequel je pensais me noyer seule…
Les mécanismes, les causes et les conséquences sont les mêmes partout, quels que soient la culture, l’histoire, le passé et le présent des pays présents. Ça laisse à réfléchir sur nos conditions de travail au niveau mondial. Je crois que les choses peuvent changer. Mais nous devons absolument nous concentrer sur la prévention pour que ce genre de « management » ne soit plus toléré, et ainsi éviter d’avoir à sauver d’autres victimes.
6/Quels sont vos principaux conseils pour les victimes de harcèlement (que ce dernier soit moral ou sexuel) ?
Mon premier conseil, c’est : partez !
N’attendez pas que les choses s’arrangent, que vous ayez trouvé un travail aussi bien payé, ou aussi intéressant ou aussi près de chez vous.
Qu’importe la raison de rester, elle ne vaut rien si on la compare à vos souffrances, au danger vital que vous risquez, ou aux souffrances que votre famille subit indirectement : si vous attendez de craquer, de tomber, les conséquences peuvent être plus graves encore. Vous risquez d’embarquer tout le monde avec vous. Ne croyez pas que vous êtes assez fort pour ne pas sombrer. On y croit jusqu’à ce qu’il soit trop tard.
Ne vous cachez pas, ne vous taisez plus. N’ayez pas honte et n’ayez pas peur. Il y a des solutions et aucune souffrance au travail n’est acceptable. Le travail est essentiel pour vivre, mais ce ne doit pas être une torture.
Préservez votre dignité et respectez-vous.
Ce n’est pas de la faiblesse ni de la lâcheté, que de partir, c’est de la sagesse.
Pour s’en sortir, les étapes sont :
• L’acceptation, accepter son état, sa dépression, sa souffrance = indispensable pour guérir.
• L’indulgence, pour soi, pour son corps, pour tout ce que vous avez enduré, et ce qu’il y a à reconstruire.
• La patience, parce qu’il en faudra pour ne plus faire de cauchemar, pour faire de nouveau confiance à une nouvelle entreprise, à de nouveaux collègues ou à un nouveau patron.
Personne ne sait mieux que vous ce que vous pouvez faire et ce qui est bon pour vous. Le système nous culpabilise en permanence, refusez toute culpabilité. Prenez le temps de vous reconstruire en dehors de cet environnement nocif.
Le monde a mis la rentabilité au cœur de nos métiers.
Il est temps de le remplacer par de l’humanité.
Je remercie sincèrement Madame Anne-Véronique HERTER pour ses réponses données à cet interview. J’espère que de nombreuses victimes d’harcèlement pourront lire ce témoignage et y trouveront la force d’agir pour que ces faits inacceptables cessent.
Pour avoir plus de renseignements sur ce thème je vous invite à lire mes autres articles consacrés à ce sujet. Vous pouvez par exemple consulter les articles suivants:
https://julietteclerboutavocat.fr/harcelement-moral-et-faute-grave/
https://julietteclerboutavocat.fr/lannee-2017-et-le-harcelement/
https://julietteclerboutavocat.fr/cinq-choses-a-savoir-sur-le-harcelement-au-travail/
Pour Aller Plus Loin : Passez à l’action !
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Juliette Clerbout Avocat au Barreau de Saint-Omer. Cabinet d’avocat situé à Arques 10 C rue Jules Guesde
aline applincourt says
Très intéressant , mais je ne comprends pas pourquoi je n ai rien trouvé pour m’aider , groupe de parole etc pour me sentir moins seule dans mon burn out . j ai essayé souffrance au travail , un psychologue m a reçue… loin de chez moi et pas probant. dommage .
Merci pour toute ces études malgré tout, d’ autres peut être auront cette chance.
Juliette Clerbout says
Bonjour, je vais bientôt publier un « guide » pour justement aider les victimes de harcèlement au travail.