Avocat au Barreau de Saint-Omer (cabinet d’avocat situé à Arques) je publie sur ce présent site de nombreux articles juridiques sur le thème du harcèlement au travail j’ai été contacté il y a quelques semaines par Mademoiselle Floriane WERCH étudiante en faculté de sociologie et rédigeant actuellement un mémoire universitaire sur ce thème.
Mademoiselle WERCH a souhaité, afin d’enrichir son mémoire, me poser quelques questions. Les réponses à ses questions sur le harcèlement moral ont été publiées dans un précédent article. Voici le lien de cet article: https://julietteclerboutavocat.fr/questions-dune-etudiante-en-sociologie-sur-le-harcelement-au-travail/
Mademoiselle Floriane WERCH a beaucoup travaillé sur cette notion juridique afin notamment de mettre en exergue la souffrance des victimes.
Voici un extrait de ses brillantes recherches:
Actuellement, depuis une trentaine d’années, est constatée une recrudescence de la souffrance au travail, accompagnée d’une prise de conscience plus nette, dans certains pays, de l’importance du bien-être au travail des individus, au sein des sociétés industrialisées.
En effet, l’évolution constante des technologies ainsi que les mutations et enjeux économiques mondiaux ont généré de nouvelles organisations du travail, construites sur la rentabilité et sur des modes de gestions du personnel parfois offensifs. L’intensification de la charge de travail, la flexibilité maximale ou encore l’enjeu des objectifs à atteindre, touchent tous les niveaux de pratiques de l’entreprise, de l’agent d’exécution aux membres de l’encadrement. Les travailleurs sont désormais soumis à des pressions délétères qui affectent leur investissement et leur productivité et assoient leur manque de repères dans leurs activités professionnelles.
A l’origine des souffrances individuelles et collectives sont invoquées de nouveaux risques professionnels, dit psychosociaux. Bien qu’il n’existe pas de définition standardisée et reconnue de ces risques, on considère généralement qu’ils découlent de l’interaction entre les individus et de l’interaction de l’individu avec son travail. Dans la sphère professionnelle, ils recouvrent l’ensemble des risques portant atteintes à la santé mentale des salariés, voire à leur intégrité physique : stress, conflits, harcèlement moral, violences au travail
Dans cet article, nous nous intéressons plus particulièrement au harcèlement moral au sein du travail. En effet, après avoir effectuée différentes recherches sur le sujet, de part un intérêt de comprendre comment les individus se placent par rapport au harcèlement moral, comment ils le perçoivent, et le vivent, mais aussi, afin de comprendre comment le harcèlement moral a été amené à perdurer au sein de nos sociétés jusqu’à aujourd’hui, et au fil de nos lectures, nous nous sommes posés la problématique suivante : En quoi les transformations permanentes des technologies, les mutations, et enjeux économiques, conduisent-ils à la pérennité du harcèlement moral au sein de l’organisation du travail ?
Les résultats de notre enquête nous ont alors permis d’élaborer cet article en trois parties. Tout d’abord, nous commencerons par expliquer brièvement ce qu’est le harcèlement moral. Puis nous parlerons du monde managérial et son impact sur les employés. Enfin, nous parlerons du harcèlement moral comme un phénomène à part entière.
Le harcèlement moral
Marie-France Hirigoyen (Docteur en médecine, psychiatre et psychothérapeute familial), développe l’idée que, la notion de harcèlement moral vient mettre des mots sur des situations que certains salariés avaient vécues souvent en silence, ils s’y reconnaissent alors, et à partir de là ils osent désormais en parler. Si personne ne conteste que le phénomène de harcèlement moral trouve sa source dans les modes d’organisation du travail, il est tout aussi indéniable que des éléments individuels jouent un rôle important. Reconnaitre la réalité des dérives du management moderne ne doit pas dédouaner l’individu de toute responsabilité.
Le harcèlement moral est un processus complexe dont l’origine n’est pas liée à une unique cause, mais à différents facteurs, psychologiques, sociologiques et managériaux, qui interagissent et se renforcent les uns les autres. De ce fait, le management fragilise les personnes, il est de plus en plus souvent générateur de stress et de souffrance physique. A vouloir aller vers toujours plus d’efficacité, dans un certain nombre de grandes entreprises, le management s’est déshumanisé. Il entraine alors un grand isolement des salariés qui ne travaillent plus en équipes mais de façon transversale, par projet. De plus, il favorise le harcèlement moral notamment avec la « culture de l’entreprise ». En effet, lorsque de nouveaux employés entrent dans une organisation, ils doivent à la fois s’adapter aux normes de l’entreprise mais aussi à celles du groupe qui va les accueillir.
Outre la pression directe exercée au travail, il existe une pression beaucoup plus subtile venant de la société qui est que, tout individu doit être en forme, heureux, épanoui et performant. Les individus modernes sont certes plus libres mais ils sont aussi plus fragiles et plus solitaires.
De plus, le harcèlement moral est un phénomène qui touche bien plus que les personnes ciblées par les harceleurs, en effet, ces conséquences impactes non seulement les individus touchés par le harcèlement mais aussi les collègues, et l’entreprise. L’ouvrage de Marie-France Hirigoyen, « Le harcèlement moral au travail » et le compte rendu d’un séminaire sur le harcèlement moral ou sexuel au travail, d’après les propos tenus par le professeur Marc Alexandre, rapporté par Vinciane Neven nous fait part de l’idée que, le harcèlement engendre ou favorise de nombreux désordres psychologiques ou psychosomatiques, mais, étant donné qu’il s’agit d’un processus évolutif, la gravité de ces symptômes est en fonction du stade d’évolution : plus le harcèlement se poursuit et se durcit en fréquence et en intensité, plus la santé de la victime se dégrade. C’est pourquoi il est important d’aider les personnes en souffrance le plus tôt possible, avant même que les faits soient évidents. L’impact sur la santé est également en fonction du soutien dont la personne pourra bénéficier, ainsi que de ses traits de personnalité qui peuvent constituer soit un facteur protecteur soit un facteur aggravant.
Suivant l’intensité et la fréquence, les conséquences du harcèlement moral sont très variées allant du sentiment de colère à l’acte de suicide. La victime, au début du phénomène de harcèlement développe des états de stress accompagnés de troubles fonctionnels tels que la fatigue, la nervosité, des troubles du sommeil, des migraines, des troubles digestifs et des palpitations. Lorsque la victime est soumise depuis un certain temps au phénomène de harcèlement, ces symptômes deviennent chroniques. Les troubles de la victime peuvent aboutir à un état d’anxiété généralisé. Le harcèlement moral peu plonger la victime dans un état d’anxiété chronique et dans une dépression profonde conduisant à des maladies graves voire même au suicide.
La violence au travail est devenue un enjeu majeur de santé publique. Elle constitue sans nul doute un des risques psychosociaux les plus lourds de conséquences pour la santé des salariés, mais également pour l’équilibre et le bon fonctionnement de l’organisation de travail du point de vue économique et social.
Le monde managérial en action
Le temps s’accélère, les hommes courent, les cadences s’affolent. Le rythme des organisations devient infernal…inhumain. Un rythme du toujours plus, du flux tendu, des messageries qui ne désemplissent jamais, des consultations qui s’alourdissent, des dossiers qui s’accumulent, des invasions de consommateurs qui compensent et jettent. Il faut produire, traiter, recevoir, répondre à un rythme qui nie la ressource humaine…inhumain, au rythme des machines sociales, juridiques industrielles, du gain, de celui qui restera, de celui qui tient bon…
Jusqu’à quand ? Jusqu’à où ? Beaucoup de travailleurs, salariés professionnels sont en souffrance aujourd’hui. Certains disent qu’il n’y a plus de valeurs, d’autres disent qu’ils sont contents d’y échapper en partant à la retraite. Le travail autrefois si valorisé, objet de fierté est devenu un enfer débordant sur la vie privée, laminant jusqu’à l’identité profonde de l’humain. Face à de telles tensions, des personnes craquent, s’épuisent, explosent, sans pitié, l’homme se transforme en prédateur au travail.
Comme l’explique Nina âgée de 22ans, étudiante en alternance, au sein de son entreprise il y a une volonté de créer des liens de complicités et de confiance, une volonté de Team Building, il n’y a pas de pointage, les horaires sont libres (Arrivée et départ selon son propre chef) du moment qu’elle est présente aux réunions et effectue son travail. Mais, tout comme Sandrine (22ans, étudiante), en alternance comme notre enquêté Nina, malgré ces apparences de liberté d’horaire, se cache une surcharge de travail impossible à réaliser dans une semaine de 35h, ce qui les oblige à faire des heures supplémentaires.
Nina s’est aussi retrouvée contrainte d’effectuer un certain nombre de tâches, des choses sur le travail à rendre, des appels hors de ses horaires de travail notamment, venir sur son lieu de travail durant ses congés pour que ce projet avance suffisamment rapidement à son goût.
Autant de critères qui là mènent à être non seulement sous l’emprise d’un de ses supérieurs hiérarchiques mais aussi de l’entreprise pour laquelle elle travaille, malgré la bonne entente au sein des locaux.
Quentin lui, âgé de 23ans, étudiant et hôte de caisse à Carrefour, fait aussi par de l’exploitation de ses managers, non seulement sur lui, du fait qu’il soit un employé polyvalent et qu’il est exprimé son ressenti face à l’exploitation des caissières et de leur condition de travail au sein du Carrefour (il s’en est retrouvé mis de coté par ses supérieurs hiérarchiques), mais l’équipe toute entière. Encore une fois, les objectifs sont difficiles à atteindre en une journée, et le rythme de travail imposé y est très soutenu. Notre enquêté s’est trouvé être touché par cette mise à l’écart inexpliquée et injustifiée.
Les employés sont donc partagés selon Quentin entre les intérêts de leur supérieur à vouloir toujours faire du profit, travailler de plus en plus vite et de mieux en mieux, en moins de temps, et de l’autre, ne pas trop souffrir dans leur emploi, ne pas se retrouver trop usé à la fin de la journée. Entre le bien être de leur entreprise, de leur chef et le leur, la souffrance, la pression et l’angoisse, s’immiscent, créant des individus en recherche continuelle de reconnaissance.
Le pouvoir des supérieurs est tellement ancré dans le système salarial, que la lutte est difficile à mener pour ces employés, qui sont alors démunis face à de nombreuses situations, comme des grèves contre les conditions de travail, par exemple.
Enfin, comme nous l’explique Marion, 21ans, étudiante, employée à Hypermarché, pour sa collègue le travail devenait trop dur, d’une part, du fait d’entendre des promesses jamais tenues par ses supérieurs hiérarchiques, et de l’autre, la prise en charge du travail à elle toute seule, alors qu’elle n’était pas qualifiée pour réaliser ces tâches. La pression morale était telle que la seule idée d’aller travailler, stressait cette collègue, ce qui la amenée à ne pas renouveler son contrat.
Un phénomène à part entière
D’une manière générale, l’expérience de l’agression en milieu de travail est significativement associée aux changements organisationnels, à la diversification, à la surveillance des employés, aux changements dans la gestion du personnel, aux réductions de salaires et aux réductions du temps de travail (Baran & Neuman, 1996). Parmi les causes organisationnelles du harcèlement, plusieurs facteurs susceptibles de favoriser son développement ont pu être relevés : le style de management et de gestion des personnes, l’organisation du travail, la gestion et la répartition des tâches et enfin, le climat de travail.
Deux constats graves peuvent être établis en relation avec le style de management, l’animation et la direction des personnels. Premièrement, les cadres, managers, personnes de statut hiérarchique supérieur ne sont pas, la plupart du temps, formés au management. Les incidences de cette absence de formation et les insuffisances en compétences relationnelles alimentent inévitablement s‘ils n’initient pas le harcèlement. Deuxièmement, certains styles de management sont propices au développement de pratiques harcelantes. C’est le cas du management directif centré uniquement sur la production et non sur la gestion des relations humaines (Blake & Mouton, 1980) induisant un état agentique (Milgram, 1974). Un leadership autocratique est ainsi clairement en lien avec le harcèlement (O’Moore et al., 1998 ; Vartia, 1996). À l’opposé, un style laisser-faire peut induire un harcèlement de type horizontal puisque l’absence de cadre, de gestion et de valorisation insécurisent et frustrent le personnel qui va chercher un bouc émissaire. D’une manière plus générale, les styles basés sur l’absence ou la présence de contrôle sont à mettre en relation avec la culture et le climat de l’entreprise.
L’organisation du travail présente, elle aussi, des incidences sur l’émergence du harcèlement. Le mobbing résulterait par exemple de tâches monotones ou répétitives (Leymann, 1996)… Par ailleurs, une organisation floue du travail et dans laquelle les rôles sont mal définis est propice au développement d’un climat négatif et à terme, aux conflits et à la violence. En particulier, ce phénomène est caractéristique des organisations où les missions reposent sur une activité avec les personnes (travail social, éducatif, humanitaire…). Ces missions non techniques impliquent nécessairement différentes manières de pratiquer qui peuvent servir de bases pour critiquer les salariés et les dévaloriser. Différents métiers d’une même branche professionnelle peuvent en outre couvrir des missions qui se chevauchent ou se recoupent, ce qui met en concurrence les salariés, fait émerger des enjeux de pouvoir (Desrumaux-Zagrodnicki, 1998) et entraîne des conflits. Or, l’ambiguïté des rôles, le conflit de rôle, le conflit interpersonnel et les contraintes situationnelles sont significativement corrélés avec les actes agressifs (Chen & Spector, 1992). Enfin, l’organisation du travail a profondément changée et l’avènement des modes de production en flux tendus et l’omniprésence des nouvelles technologies (Pezé) augmentent encore le mal-être au travail.
En effet, Sandrine âgée de 22ans, étudiante en alternance, nous fait part de son avis sur la persistance du harcèlement moral au travail depuis des années, que ce soit en France ou bien dans d’autres pays. Nous comprenons alors que les transformations du monde du travail, et la recherche de profit toujours en perpétuel augmentation, à une influence sur les entreprises et leur dirigeant, ceux-ci demandant de plus en plus de résultats, en moins en moins de temps, ce qui amène les salariés, avec la montée en pression, le stress, à envisager l’hypothèse du suicide.
Pour Diana, 23 ans, étudiante et caissière à Intermarché, les personnes ciblées par le harcèlement moral au travail sont principalement les femmes, car elles n’osent pas dire ce qu’elles pensent, elles n’osent pas se défendre, de peur de perdre leur emploi, néanmoins, une personne trop gentille, naïve, ne va pas se rendre compte que ses collègues la harcèlent et donc de la situation qu’elle est en train de vivre.
Enfin, Dorian, âgée de 23ans, sellier garnisseur, explique que pour lui les personnes ciblées se trouvent être « les personnes ne s’affirmant pas face aux autres », de ce fait, ce qui ont une faible estime d’eux, sont d’après lui, les personnes les plus vulnérables. En effet, se laisser faire, ne rien dire face à des situations pouvant rabaisser, ou blesser, sont des facteurs pouvant entrainer des individus déjà enclin à harceler, à ce qu’ils s’en prennent à leur personne, et qu’ils se trouvent être, à leur tour les cibles de harceleurs.
Pour conclure, depuis les années 1990, le harcèlement moral au travail est devenu une préoccupation importante tant pour les salariés, les professionnels de l’organisation, que pour les politiques. Qu’on l’appel harcèlement moral comme en France, l’ijime au Japon, mobbing ou bullying dans d’autres pays, nul ne conteste la réalité du phénomène et ses conséquences désastreuses. Le harcèlement moral au travail constitue à notre époque une problématique à laquelle sont confrontés tous les pays industrialisés.
En effet, selon Vincent De Gaulejac, sociologue français, et Antoine Mercier, journaliste de Radio France, dans leur ouvrage, « Manifeste pour sortir du mal-être au travail », ce que les travailleurs ont gagné en temps de travail, la part de celui-ci ne cesse de diminuer dans le temps d’une vie humaine, ils semblent le payer en termes d’intensité. Le temps de travail a tendance à diminuer alors que la charge augmente. La culture de la haute performance a mis l’ensemble des salariés sous pression : il faut faire plus, mieux et plus vite avec moins (moins d’effectifs, moins de moyens et au moindre coût).
Cette pression produit une culture du harcèlement généralisé dans la mesure où celui qui est sous pression a tendance à mettre, en retour, ses subordonnés, ses proches et ses collaborateurs sous pression. De surcroît, la culture de l’urgence supprime les moments de détente, de respiration, qui permettait de « souffler ».
Néanmoins, après avoir réalisé et analysé nos entretiens, des questions persistent toujours, Pourquoi les employés n’ont-ils pas réagit ? Pourquoi rien n’est fait de la part des médias, ou de la part de l’État ? Pourquoi les actes de violences psychologiques sont aussi peu dénoncés ? Nos enquêtés s’accordent alors à dire que le harcèlement moral au travail est un phénomène peut pris en considération, que ce soit de la part des médias, qui ne diffuseraient pas les informations nécessaires à la mise en avant du phénomène au sein des sociétés, ou même, par l’État, les politiques, qui ne mettraient pas en application ce qui a mis des années à se mettre en place, comme les lois. Pour nos enquêtés le harcèlement moral est craint de la part des salariés, qu’ils soient placés en victime ou en témoin, trop de facteurs étant en jeu : la peur de perdre son travail, d’être vu comme une victime, de se retrouver soi-même victime, ou bien le fait d’être conscient du peu de chance de faire valoir sa cause, envers ses supérieurs ou au tribunal.
Le contenu de nos entretiens fait référence à une insatisfaction et à des tensions au sein des organisations du travail. Le harcèlement est lié pour l’essentiel à des abus de pouvoir qu’exerce la hiérarchie. Mais ces abus sont rendus possibles en raison de la structure même de la hiérarchie constitutive du rapport salarial. Le contrat de travail est d’abord un « contrat de subordination ». Chacun s’inscrit dans un rapport ambivalent subordonné-subordonnant puisque « chacun est sous les ordres en même temps qu’il a sous ses ordres » (Frédéric Lordon, 2010).
En effet, la place qu’a prise le travail dans notre système, amène autant les employeurs que les employés à rester passif face aux agissements auxquels ils peuvent être témoins, victimes, ou acteurs.
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Applincourt aline says
Tout est dit… Comme je l ai et le vie encore… Merci