Si vous avez l’intention de devenir chauffeur ou livreur Uber, ceci vous concerne
Uberisation, Uber, UberX, UberEats sont des termes qui font désormais partie de notre quotidien.
Tout d’abord, que se cache t-il derrière Uber ?
La société Uber utilise une plate-forme numérique et une application afin de mettre en relation des utilisateurs avec des chauffeurs réalisant des services de transport.
Lors de sa mise sur le marché, cette application mobile a révolutionné les modes de transport. Le consommateur pouvait en effet faire appel à un chauffeur VTC (véhicule de transport avec chauffeur), avec le prix de la course connue à l’avance.
Uber a ensuite multiplié les offres en proposant aux internautes d’autres services comme la livraison de repas à domicile par exemple (sous le nom de UberEats)
Apparue en France en 2011, l’entreprise Uber a vu le jour aux Etats-Unis en 2009 sous le nom de UberCab. En 2011, l’entreprise a ensuite retiré le suffixe « Cab » de son nom, puisque cela signifie littéralement « taxi » et UberCab se retrouvait régulièrement attaquée par des associations de chauffeurs de taxi pour concurrence déloyale.
Le mot « Uber » provient d’une expression germanique (uber) qui signifie « au-dessus ». Elle sert à désigner quelque chose se situant « au niveau le plus élevé ». C’est assez proche du mot anglais « over ». L’idée des créateurs d’Uber était donc de proposer un « super service ».
A qui les plateformes numériques comme Uber ont-elles recours pour exécuter ces « super services » ? Qui sont ces travailleurs de l’intelligence artificielle ?
Pour travailler avec la plate-forme, les livreurs ou chauffeurs doivent s’enregistrer comme auto entrepreneurs et contracter un contrat de prestations de service avec la société. Il leur faut donc créer une société et l’immatriculer à la chambre des Métiers. Les travailleurs qui exécutent les tâches pour Uber ont donc un statut d’indépendant et ne sont pas liés par un contrat de travail.
Quelles sont les caractéristiques du contrat de travail ?
Le contrat de travail est la convention par laquelle une partie, le salarié, s’engage à mettre son activité ou son travail à la disposition d’une autre partie, l’employeur, moyennant rémunération et dans un lien de subordination juridique.
Les dispositions concernant le contrat de travail figurent aux articles L. 1221-1 et suivants du Code du travail.
Pour qu’un contrat de travail soit formé il faut donc :
- Une rémunération
- Une prestation de travail
- Un lien de subordination
Le contrat de travail entraîne un certain nombre d’obligations pour le salarié mais lui confère également des droits : il peut en effet tirer parti de la législation découlant du droit du travail qui lui apporte une certaine protection. Il peut ainsi bénéficier d’un salaire minimum, de congés payés, d’une couverture sociale mais aussi ce qui découle de la rupture du contrat comme les indemnités de licenciement.
Les travailleurs indépendants chez Uber n’ont donc pas droit à tous ces avantages.
Le lien de subordination, est un critère essentiel à la qualification de contrat de travail
Deux jurisprudences très importantes ont permis de définir le lien de subordination :
Tout d’abord, l’arrêt « Bardou » rendu par la chambre sociale de la Cour de cassation le 6 juillet 1931 qui dispose « qu’iI y a subordination juridique lorsque le salarié est placé sous la direction, la surveillance et l’autorité de son cocontractant ».
Ensuite, l’arrêt « Société Générale » rendu par la Cour de cassation le 13 novembre 1996, donne une définition encore plus précise du lien de subordination. Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, qui a le pouvoir d’en contrôler l’exécution et le pouvoir d’en sanctionner les manquements de son salarié
Selon l’article L. 8221-6 du Code du travail, l’existence d’un contrat de travail peut toutefois être établie pour les travailleurs indépendants lorsque ceux-ci fournissent directement ou par une personne interposée des prestations à un donneur d’ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l’égard de celui-ci.
Un contrat de prestations de service peut-il alors être requalifié en contrat de travail ?
Concernant les travailleurs des plateformes numériques, la Cour de cassation a récemment rendu des arrêts requalifiant ces contrats de prestations de service en contrat de travail.
Dans le cadre d’un arrêt de rejet du 4 mars 2020 (n°19-13.316) elle a reconnu qu’il existait un contrat de travail entre la société Uber et ses chauffeurs.
En effet, la Haute Cour a relevé que le chauffeur qui avait recours à l’application Uber ne se constituait pas sa propre clientèle, ne fixait pas librement ses tarifs ni les conditions d’exercice de sa prestation de transport. L’itinéraire lui était imposé par la société et, s’il ne le suivait pas, des corrections tarifaires étaient appliquées. La destination n’était pas connue du chauffeur, révélant ainsi qu’il ne pouvait choisir librement la course qui lui convenait. La société avait la faculté de déconnecter temporairement le chauffeur de son application à partir de trois refus de courses et le chauffeur pouvait perdre l’accès à son compte en cas de dépassement d’un taux d’annulation de commandes ou de signalements de « comportements problématiques »
Il y a donc selon la Cour de cassation un faisceau d’indices suffisant pour caractériser le lien de subordination et requalifier le contrat de prestations de service en contrat de travail.
Si vous désirez faire requalifier votre contrat de prestation de service en contrat de travail il est nécessaire de saisir le Conseil de prud’hommes. (La saisine du Conseil de prud’hommes s’effectue par le dépôt d’une requête).
Cette décision est la seconde que la chambre sociale de la Cour de cassation rend à propos des travailleurs des plateformes, après l’arrêt prononcé dans l’affaire Take Eat Easy (Soc., 28 novembre 2018, pourvoi n°17-20.079).
Cependant, cet arrêt n’a pas une portée générale et il est impossible d’affirmer que tous les chauffeurs de plateformes numériques sont des salariés. En réalité, la qualification dépendra des circonstances et des faits de chaque espèce.
Quelle est la situation aux Etats-Unis ?
Le 10 septembre 2019, la Californie a adopté une loi très importante requalifiant les chauffeurs, coursiers en salariés ce qui pourrait avoir des répercussions au niveau national, sur le sol Américain. Cette réforme est entrée en application le 1er janvier 2020.
Clémence Hopsomer (Saint-Omer)
Juriste stagiaire au sein du cabinet de Maitre Juliette Clerbout (Avocat au Barreau de Saint-Omer)
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