Bonjour,
Comme vous le savez j’utilise mes connaissances juridiques notamment dans la protection des animaux. En effet je pratique régulièrement le droit animalier (c’est-à-dire le droit des animaux). Si la défense juridique des animaux vous intéresse je vous invite d’ailleurs à consulter mes autres articles sur ce sujet.
Il y a quelques mois j’ai été contactée par une responsable du magazine Carrot Invaders.
Cette dernière m’a proposé de participer à une interview qui sera publiée prochainement dans la rubrique « la justice, une alliée essentielle dans l’évolution de la condition animale. »
Comme je sais que beaucoup d’entres vous sont de fervents opposants à la maltraitance animale voici cette interview :
Dans l’idée de nous tourner vers tous les intervenants autour de la cause animale, nous tenons à aborder l’importance de l’aspect juridique. Maître Juliette Clerbout, avocat à Arques au barreau de St Omer dans le Pas de Calais, a accepté de répondre à nos questions.
Elle agit auprès des particuliers et de différentes associations de protection animale pour la défense des animaux. Pour informer le public sur ce thème elle participe bénévolement à l’émission “un coeur comme le tien” et diffuse dans sa lettre juridique de nombreuses informations sur le droit animalier. (Vous pouvez d’ailleurs vous y inscrire gratuitement)
Carrot Invaders : Tout d’abord un grand merci, Maître, de nous accorder cet entretien. Dans la chronique que vous donnez pour cette association, vous apportez des consignes bien précises dans le cas où un particulier ou une association serait témoin de maltraitance envers un animal. Pouvez vous expliquer à nos lecteurs, qui peuvent ne pas connaître les rouages des différentes juridictions, comment agir en cas de constat ou de témoignage de maltraitance et surtout à qui s’adresser pour ne pas commettre de faux pas ?
Me Clerbout : si vous êtes témoin de maltraitance animale n’hésitez surtout pas à déposer une plainte. Pour que la maltraitance animale cesse il est nécessaire que la justice agisse. Or le Procureur de la République (habilité à déclencher des poursuites judiciaires sur le plan pénal) aura des difficultés à être au courant de la maltraitance si aucune plainte n’est déposée.
Je vais donc vous expliquer comment faire pour déposer une plainte.
Pour déposer une plainte vous pouvez soit vous rendre dans un commissariat ou dans une gendarmerie soit écrire directement une lettre au Procureur de la République.
Les avantages d’écrire directement au Procureur de la République sont les suivants : vous ne perdez pas de temps à patienter dans la salle d’attente du commissariat ou de la gendarmerie avant que votre plainte puisse être enregistrée et votre plainte peut être précise et détaillée comme vous le souhaitez.
Par sécurité juridique il est vivement conseillé d’adresser la plainte par le biais d’une lettre recommandée avec accusé de réception. (Il est bien évidemment conseillé de garder une copie de la lettre avant de l’envoyer).
Si vous souhaitez plus d’informations sur ce sujet n’hésitez pas à lire l’article suivant : https://julietteclerboutavocat.fr/animal-maltraite-que-faire/
Carrot Invaders : Quelles vont être les précautions à prendre par rapport à une éventuelle diffusion sur les réseaux sociaux de ces actes de cruauté ?
Me Clerbout : Il faut faire extrêmement attention aux réseaux sociaux. Beaucoup d’informations véhiculées s’avèrent inexactes voire mensongères.
Si vous indiquez des faux propos sur les réseaux sociaux vous risquez une condamnation pour diffamation.
De même les diffusions sur les réseaux sociaux peuvent nuire au travail des enquêteurs et donc à la cause animale. Certaines personnes averties par les réseaux sociaux du dépôt d’une plainte pourraient être tentés de faire disparaitre les preuves de l’infraction ….
Carrot Invaders : Dans l’absolu, quelles sont les peines encourus par un prévenu en cas de maltraitance?
Me Clerbout : L’article 655-1 du Code pénal dispose que « le fait, sans nécessité, de donner volontairement la mort à un animal domestique ou apprivoisé ou tenu en captivité est puni » d’une peine d’amende.
En vertu de l’article 521-1 du Code pénal celui qui commet un acte de cruauté envers un animal encourt quant à lui une peine maximale de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende.
Cependant tout mauvais traitement contre un animal ne peut pas recevoir la qualification juridique « d’acte de cruauté ». (Les actes de cruauté sont en effet uniquement les actes extrêmement gravissimes).
C’est pourquoi la loi prévoit, au sein de l’article R 654-1 du Code pénal, que « le fait (…) d’exercer volontairement des mauvais traitements envers un animal domestique ou apprivoisé ou tenu en captivité est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la 4e classe. »
Les peines prévues par le Code pénal sont les peines maximales pouvant légalement être prononcées par une juridiction. En réalité les peines sont souvent bien inférieures. Mais, et cela constitue une victoire pour la cause animale, de plus en plus de tribunaux prononcent des peines fermes à l’encontre des auteurs d’actes de cruauté et de sévices graves.
Carrot Invaders : Que pensez- vous d’une manière générale des maltraitances infligées dans les abattoirs tels que l’abattoir communal du Boischaut, dans l’Indre?
Me Clerbout : Ces maltraitances sont tout simplement intolérables.
Carrot Invaders : Pensez vous, à l’image de Maître Isabelle Terrin, que les textes de loi pour la défense du droit animalier sont “minimalistes” dans le sens où les peines pour les humains et les animaux montrent une grande différence?
Me Clerbout : Je ne peux que me rallier à la position de ma consoeur sur ce sujet.
Carrot Invaders : Partagez vous l’opinion selon laquelle l’entrée de l’animal dans la sphère juridique est assez récente? Et peut on parler d’un statut juridique de l’animal?
Me Clerbout : Avant 2015 l’animal était considéré comme un simple meuble par le Code civil. Autrement dit le législateur considérait les animaux (être vivants) comme de simples objets. Heureusement depuis 2015 l’animal est désormais reconnu comme « un être vivant doué de sensibilité ».
Cependant et malheureusement ils restent encore soumis au régime juridique des « biens » et non à celui des personnes.
Ce progrès est donc seulement un léger progrès.
Carrot Invaders :Quel est le regard des magistrats que vous côtoyez dans les affaires de défense du droit animalier que vous plaidez qui peuvent par exemple considérer que les juridictions sont encombrées?
Me Clerbout : La surcharge des juridictions pénales est une réalité. Mais la plupart des magistrats sont sensibles à la cause animale et ont par conséquent à cœur de faire respecter la législation dans ce domaine.
Carrot Invaders : Auriez vous des cas d’animaux que vous avez défendu dont vous aimeriez nous parler?
Me Clerbout : Une affaire qui m’a marqué est une affaire assez récente. Une jeune femme avait déménagé en laissant enfermés sans nourriture et sans eau ses deux chats. Un chat est mort de faim et de soif, le second pour essayer de survivre à manger le cadavre du premier. Ce deuxième chat est malheureusement lui aussi décédé.
La prévenue avait un casier judiciaire vierge.
Toutefois au vu de la gravité de l’infraction et de ses conséquences (décès de deux animaux) la Tribunal a prononcé une peine ferme.
La sévérité de cette jurisprudence démontre pour moi qu’il n’est pas vain de continuer à se battre activement pour la cause animale.
Si vous souhaitez plus de détails sur cette affaire je vous invite à lire l’article dans lequel j’analyse un jugement en droit animalier.
Carrot Invaders : Merci maître pour cet intéressant point de vue.
Nous constatons ici que le chemin pour une justice animale équitable sera long. Mais grâce à des personnes impliquées telles que Juliette Clerbout, Isabelle Terrin et Catherine Helayel…force est de constater que l’opinion publique est bien représentée et que la justice apparaît clairement comme une alliée afin que l’animal soit enfin un sujet de droit.
Interview de Juliette Clerbout Avocat au barreau de Saint-Omer réalisée par Gabrielle pour le magazine carrots invaders.
Pour en savoir plus en droit animalier n’hésitez pas à consulter mon ouvrage sur ce sujet
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